Colosses de Memnon

Les colosses de Memnon sont deux sculptures de pierre monumentales localisées sur la rive occidentale de Thèbes, sur la route qui mène à la nécropole thébaine.



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Site égyptologique - Art de l'Égypte antique - XVIIIe dynastie égyptienne

25° 43′ 14″ N 32° 36′ 38″ E / 25.72059, 32.61046

Les colosses de Memnon.

Les colosses de Memnon sont deux sculptures de pierre monumentales localisées sur la rive occidentale de Thèbes (Égypte), sur la route qui mène à la nécropole thébaine. Ils sont les derniers vestiges du gigantesque palais des millions d'années d'Amenhotep III, construit durant la XVIIIe dynastie, qui n'existe plus aujourd'hui.

Histoire

Le phénomène

Bas-relief, au flanc droit du colosse sud.

Strabon, historien et géographe grec du Ier siècle, est le premier auteur à mentionner les colosses :

«Sur cette même rive se dressaient naguère presque côte à côte deux colosses monolithes : de ces colosses, l'un s'est conservé intact, mais toute la portion supérieure de l'autre à partir du siège a été renversée, à la suite, paraît-il, d'un violent tremblement de terre[1]

Un séisme a effectivement lieu en -27, un an avant le passage de Strabon ; la statue fissurée est la plus septentrionale, c'est-à-dire celle de gauche quand on regarde les colosses de face. Une légende persistante voudra néanmoins que la statue ait été détruite par le roi achéménide Cambyse II, célèbre pour son impiété[2].

Strabon ajoute que depuis lors, selon une légende locale, la statue se met à «chanter» au lever du soleil et témoigne avoir entendu lui-même le phénomène. Il décrit le son produit comme «un bruit analogue à celui que produirait un petit coup sec[1]» mais se montre circonspect quant à son origine. Devenue une véritable curiosité, la statue est ensuite mentionnée par Pline l'Ancien[3], Tacite, qui parle du «son d'une voix humaine[4]» ou encore Pausanias, qui évoque le son d'«une corde de cithare ou de lyre qui se rompt[5]».

Ce phénomène, actuellement bien compris, est dû à la dilatation du quartzite sous l'effet des premiers rayons du soleil. Il est interprété par les Anciens comme le cri de Memnon, héros de la guerre de Troie, accueillant sa mère, l'Aurore. La raison de cette association n'est pas claire. Pausanias explique :

«On lui donne le plus souvent le nom de Memnon, qui étant, dit-on, parti de l'Éthiopie avec une armée, traversa l'Égypte et s'avança jusqu'à Suse. Mais les Thébains ne veulent pas que cette statue soit Memnon, et ils y voient Phaménophis [Aménophis III], Égyptien. J'ai aussi entendu dire qu'elle représente Sésostris[5]

Philostrate consacre à la statue une longue description dans sa Vie d'Apollonius de Tyane. Pour lui, Memnon n'est pas mort à Troie de la main d'Achille, comme le veut la tradition, mais «en Éthiopie, où il régna durant cinq générations». Il ajoute :

«La statue de Memnon est tournée vers l'Orient : elle représente un jeune homme imberbe; elle est en pierre noire. Les deux pieds sont joints, suivant l'usage des sculpteurs du temps de Dédale ; les deux mains sont droites et appuyées sur le siège : on dirait un homme assis qui va se lever. (…) Quand le premier rayon éclaira la statue (ce qui arrive au lever du soleil), [les voyageurs] ne se tinrent plus d'admiration. Aussitôt, en effet, que le rayon eut atteint la bouche, Memnon parla, ses yeux devinrent brillants comme ceux d'un homme exposé au soleil. Nos voyageurs comprirent tandis que Memnon semble se lever devant le soleil, comme on se lève pour mieux honorer une divinité. Ils sacrifièrent au Soleil Éthiopien ainsi qu'à Memnon Oriental : ce sont les noms que leur donnent les prêtres[6]

Les pèlerinages

Le colosse devient rapidement un lieu de pèlerinage pour les Grecs et les Romains, qui viennent en nombre entendre l'oracle de Memnon. C'est aussi une curiosité touristique, tout comme les pyramides[7]. Les visiteurs ont l'habitude d'y laisser un graffiti, comprenant le plus souvent la mention «audi Memnonem» («j'ai entendu Memnon»), mais aussi leur nom et la date de leur passage.

Le colosse reçoit trois visites impériales. La premièrese déroule en 130, dans le cadre du grand voyage en Égypte d'Hadrien ; elle est relatée dans quatre épigrammes de Julia Balbilla, poétesse et membre de l'escorte de l'impératrice Vibia Sabina[8]. Remontant le Nil, l'empereur et sa suite assistent le 19 novembre au lever du soleil sur la plaine de Thèbes ; à l'embarrassement général, la statue ne chante pas et Hadrien doit revenir une seconde fois le lendemain pour assister au phénomène[9]. Au IIIe siècle, l'empereur romain Septime Sévère, voulant honorer la divinité qui se manifeste ainsi chaque matin, ordonne la restauration de la statue, qui depuis cesse de chanter.

Les statues

Colosse sud
Colosse nord

Les deux colosses représentent le pharaon assis sur le trône de ses ancêtres, les mains posées sur les genoux ; de chaque côté de ses jambes sont figurées sa mère, Moutemouia, et son épouse, Tiyi. Sur les deux cotés du trône figure une représentation symbolique de l'union de la Haute-Égypte et de la Basse-Égypte, le Sema-Taouy, représenté par deux «Nil» nouant le papyrus et le lys, symboles du «double pays».

Au contraire de la majorité des autres monuments égyptiens, ces deux monolithes ne sont faits ni de calcaire, ni de granite, ni de grès, mais bien d'une brèche siliceuse de quartzite[10], «masse de cailloux agatisés liés entre eux par une pâte d'une dureté remarquable. Cette matière particulièrement dense et d'une dureté particulièrement hétérogène offre à la sculpture des difficultés peut-être plus grandes que celles que présente le granit ; cependant les sculpteurs égyptiens en ont triomphé avec le plus grand succès[11].».

Les dimensions, prises sur le colosse sud, sont les suivantes[12] :

Les dimensions, prises sur le colosse nord, sont les suivantes[12] :

Une majorité d'égyptologues admet que les mégalithes ayant servi à façonner ces deux colosses proviennent de la carrière de Gebel el Ahmar, localisée près du Caire[13]. Les couches de la roche dont sont extraits les deux colosses sont orientées différemment pour l'un et l'autre. Le colosse du sud voit les couches de son matériau disposées verticalement alors que celles du colosse du nord le sont horizontalement. Ce fait indique que le premier fut extrait de sa gangue à la verticale alors que le second le fut à l'horizontale[13]. Des traces particulièrement nettes laissées par l'utilisation d'outils ont pu être relevées sur le colosse nord. Les anciens égyptiens ont par conséquent du résoudre des problèmes de transport et de génie civil importants pour mener à bien leur érection : transport fluvial sur une longue distance, érection de masses rocheuses trois fois plus lourdes que les classiques obélisques et façonnage d'un matériau particulièrement dur.

Le temple d'Amenhotep III

Les deux statues colossales se dressaient sur le parvis du château des millions d'années d'Amenhotep III qui était alors le plus grand ensemble de temple de la rive Ouest de Thèbes. La taille de ces deux colosses laisse imaginer à quelle dimension fut pensée et réalisée cette entreprise par Amenhotep fils de Hapou, architecte du roi.

Le temple s'étendait alors de ce premier pylône dont la hauteur équivalait celle des colosses, jusqu'aux limites des terres arables, quelques cinq cents mètres plus loin. Il n'en reste que des vestiges épars tant les monuments qu'il contenait servirent de carrière dès les temps antiques. On a retrouvé en effet des reliefs en provenant, dans le temple que se fit construire Merenptah, le fils et successeur de Ramsès II, à peine un siècle après.

Des fouilles ont lieu aujourd'hui pour mieux comprendre l'architecture et le plan de ce sanctuaire dédié à Amon ainsi qu'à la gloire d'Amenhotep III lui-même.

Ce qu'on en connaît outre les deux fameux colosses de Memnon, sont les traces d'au moins trois pylônes, une grande colonnade menant à une grande cour solaire qui devait précéder une ou plusieurs hypostyles et le sanctuaire. Dans la grande cour dont l'aspect devait se rapprocher de celle que le roi fit édifier à Louxor sur l'autre rive, de grands colosses osiriaques d'Amenhotep III devaient être intercalés entre chaque grande colonne. On peut toujours voir les bases de ces colonnades sur place mais aussi des pieds gigantesques, restes isolés des grandes statues qui rythmaient le péristyle.

On a aussi retrouvé une grande stèle commémorative du règne qui a été dressée au niveau du deuxième pylône.

Notes

  1. Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne] (XVII, 1, 46). Extrait de la traduction d'Amédée Tardieu.
  2. Voir surtout Pausanias, Description de la Grèce [] [lire en ligne] (I, 42) ou l'une des inscriptions de Julia Balbilla, Bernand no 29.
  3. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXVI, 58).
  4. Tacite, Annales (II, 61, 1).
  5. Pausanias (I, 42, 3). Extrait de la traduction de M. Clavier.
  6. Vie d'Apollonius de Tyane (VI, 4). Extrait de la traduction d'Alexis Chassang.
  7. Voir par exemple Lucien de Samosate, Toxaris ou l'Amitié (27).
  8. Bernand, Inscriptions…, nos 28 à 31.
  9. Anthony R. Birley, Hadrian, the Restless Emperor, Routledge, 1997, p. 250.
  10. Joseph Davidovits, Ils ont bâti les pyramides, éd. J-C. Godefroy, Paris, 2002, (ISBN 2-86553-157-0) , p. 359.
  11. Jollois et Devilliers, , vol. II, chap. IX, sect. II, p. 153, cité par J. Davidovits, op. cit. , p. 359
  12. Sourouzian Hourig, Rainer Stadelmann, Madden Bianca, Gayer-Anderson Theodore, Annales du service des antiquités de l'Égypte, vol. 80, p. 324
  13. Sourouzian Hourig, Rainer Stadelmann, Madden Bianca, Gayer-Anderson Theodore, Annales du service des antiquités de l'Égypte, vol. 80, p. 345

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes


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